Hands of a guy on laptop keyboard

In praise of attention

Published on 05 June 2012
Updated on 05 April 2024

I’ve read somewhere – but I can’t find the exact quote of Simone WEIL – that “civilization is paying attention”. This is both right and wrong. “Civilization (…) has been used primarily to refer to the material and instrumental side of human cultures that are complex in terms of technology, science, and division of labor. Such civilizations are generally hierarchical and urbanized. In a classical context, people were called “civilized” to set them apart from barbarians, while in a modern-day context, “civilized peoples” have been contrasted with primitive peoples. (…) The word is often restricted to apply only to societies that have attained a particular level of advancement-especially the founding of cities.”[1] I’d fully agree that “paying attention” – unconscious and conscious awareness of our material and social surroundings – is the essence of our culturally adaptive species. I’d disagree that this “paying attention” only needs to play out in the “city” as the locus of civilization. Mind you, this dichotomy underlies humanity’s first written epic: The Epic of Gilgamesh[2] and it has plagued our thinking ever since. If successful adaptation is mankind’s challenge – the greatest feats are behind us. I think of the Aboriginals’ successful travel, some 50’000 years ago, from Africa to Australia; or of the settlement of the Pacific Islands, starting 3-4 thousand years ago[3]. These adaptations did not take place in cities and the technologies that were used were primitive at best. Yet Such adaptive knowledge still persists in “living treasures” – people, may be illiterate or thereabouts – who have internalized a full measure of knowledge about their surroundings and share it freely. One of these “living treasures” – Ahmed Chorfa – just died in Senegal. A friend of mine paid tribute to him. I’d like to share this with you. Alas, the text is in French (go to the end for my conclusion).

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Le grand guide du bas-delta nous a quitté. Tous ceux qui n’ont pas connu le bas-delta des années 1990, avant la construction des digues et des ouvrages, avant le GPS et les pistes bien tracés vers les sites clés ne peuvent apprécier la contribution de Ahmed Chorfa à la réalité que représente aujourd’hui cette aire de conservation et d’utilisation durable. Pendant 7 ans, de 1993 à jusqu’à mon départ quelque peu forcé en 2000, j’ai été accueilli dans son campement et bénéficié de ses conseils précieux dans tous les domaines. Non seulement avait-il un GPS dans la tête mais aussi un modèle hydraulique, une carte des étoiles et une table des marées. Il savait en toute saison, en tout état d’inondation, à n’importe quelle heure quel chemin emprunter pour nous amener où on voulait aller en toute sécurité. Quand on lui disait qu’on voulait rentrer à Nouakchott par la plage, il sortait la tête de la khaïma pour regarder la lune, faire son petit calcul et déclarer « il faut prendre la plage à 13:15 ». Il connaissait chaque coin du delta et était un observateur assidu de l’environnement. Il savait que certains oiseaux chantaient en duo, un jour quand on regardait une courvite isabelle il a dit « il y a une autre espèce comme ça, plus petit, plus foncé, de l’autre côté de la dune juste avant la saison des pluies et quand il nous y a amené il y avait la courvite de Temminck. Il aimait nous faire des surprises, nous amener à un très grand baobab caché dans une interdune profonde, ou dire « je vais te montrer un poisson avec 4 yeux » : les périophtalmes de la petite mangrove, montrer un nid de canard armé ou de grue couronnée, nous guider aux arbres de Baillargeat, Avicennias improbables à 20 km de la limite des marées, etc. Chaque page du premier plan de gestion porte son empreinte. Il aurait été impossible de l’écrire sans lui. Il nous expliqué et patiemment réexpliqué le phénomène du Mlok auquel on ne croyait pas, décrit avec précision comment les eaux circulaient dans le système avant-barrage, mis en contact avec les personnes ressource qui pouvaient nous en dire plus, etc.

A cette époque aussi l’attitude des populations locales envers l’aire protégée était la méfiance totale pour ne pas dire l’hostilité. Venir dans un village ou un campement accompagné de Ahmed Chorfa dissipait déjà un peu de cette méfiance parce qu’il était connu et apprécié pour son honnêteté et sa droiture par toutes les populations, de la pointe de l’île de Mboyo jusque au nord de l’Aftout et dans la zone de Keur-Macène. Il donnait une caution morale a cette entreprise improbable qu’était la restauration du bas-delta et demandait toujours aux gens d’écouter, de contribuer, d’apporter leurs connaissances pour que cette restauration réussisse en dépit de cette méfiance. J’ai vu son autorité morale à plusieurs reprises quand nous avons été confrontés avec des cas de braconnage. Il avançait tout doucement vers la personne et lui demandait gentiment de lui donner son fusil. Il lui disait « maintenant tu as la tête chaude mais viens récupérer ton fusil chez moi la semaine prochaine » et la semaine d’après il lui faisait un exposé sur l’importance de ces oiseaux et leurs besoins de repos et de stockage d’énergie pour la reproduction, un cours magistral de sensibilisation, beaucoup plus efficace que la répression prônée par certains. Des histoires et anecdotes sur Chorfa il y en a des milliers à raconter, par exemple comment, pendant la crue de 1994, il a sauvé la vie de l’équipe du projet biodiversité du littoral mauritanien bloqué sans eau ni nourriture au Chat Tboul pendant que leur voiture était avec un embrayage grillé vers Voum Lebhhar. Cette nuit-là il a marché de Lekser à Birette, pris une pirogue là-bas, traversé le Ntiallakh, le Khorumbam, Hassi Baba et les Toumbos pour aller récupérer cette équipe au Chat Tboul. Personne d’autre n’aurait pu faire cela. On ne peut compter le nombre de fois où il nous a dit d’arrêter la voiture juste avant une zone très très dangereuse où on aurait pu rester embourbés pendant des jours. Un jour il a croisé les traces de Stéphanie qui menaient nulle part et il a tout de suite déduit qu’elle s’était perdue. Il a suivi les traces pour la ramener au campement. Quand cela concernait le bien du bas-delta il était toujours disponible, 24h sur 24, 7 jours sur 7 en dépit d’un salaire de misère.

Non seulement était-il un grand observateur de la nature mais aussi des cœurs des êtres humains. Il pouvait difficilement comprendre qu’il existait des gens mauvais, fourbes, mais quand ceux-là tentaient de lui faire du mal il haussait les épaules parce qu’il savait due Dieu allait reconnaître les siens. Ces dernières années, quand il était beaucoup diminué physiquement, une grande tristesse et une incompréhension l’ont pourtant envahi. Il ne pouvait comprendre pourquoi, en dépit de ses contributions reconnues on a refusé de recruter son fils, un enfant du bas-delta tandis qu’on recrutait à tour de bras de partout dans le pays des gens dont la contribution à la réussite de cette aire protégée reste à prouver.

Un homme intègre, compétent, sage, sérieux et humble nous a quitté. Que la terre lui soit légère.

Ahmed “paid attention” to the world around him in ways that would make a “civilized” person blanch. Without technological help he was able to read to perfection the environment in which he moved. Whether he fits the convention of “civilized” I don’t know. To me he is the very embodiment of what it means to be “human”. With Ahmed’s death a humongous amount of “silent” culture has disappeared – probably forever. We are all poorer for it.


[2] See e.g.: Tomas SEDLACEK (2012): Economics of good and evil. The quest for meaning from Gilgamesh to Wall Street. Oxford University Press, Oxford.
[3] See: K. R. HOWE (Ed.) (2006): Vaka Moana. Voyages of the ancestors. The discovery and settlement of the Pacific. David Bateman, Auckland, NZ.

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